La pandémie de Covid-19 a fragilisé des milliers d’artisans qui sont en butte à des difficultés pour vendre leurs produits. En effet, la crise a accablé leur gagne-pain quotidien, d’autant plus que le tourisme est en déclin continu. Malgré tout, la Médina de Tunis garde les mêmes senteurs et atmosphères. Reportage.
Malgré trois mois de pandémie de Covid-19, les commerces résistent. A 10h30, le nombre de touristes est faible. La Médina de Tunis a l’air triste et l’animation n’est pas celle des grands jours.
A l’entrée, les venelles de la Médina sont pratiquement dépeuplées. Les commerçants sont assis devant leurs magasins d’artisanat sirotent leur café et fument une cigarette, écoutant la radio qui diffuse des programmes sur la propagation de l’épidémie du coronavirus. Les vendeurs guettent les quelques passants, dans l’espoir d’attirer leur attention et les convaincre à acheter. Les commerçants interpellent les passants qui s’arrêtent pour regarder les objets exposés mais n’ont pas encore l’intention d’acheter. Pourtant, les échoppes disposent d’une grande quantité de produits de toutes sortes.
Des produits de valeur fait main
Dans les différentes boutiques de la Médina, les visiteurs peuvent admirer des tapis de qualité, des couffins, des habits traditionnels, des broderies, des coussins, etc. Quelques ateliers sont fermés car leurs propriétaires ont eu des difficultés financières et n’ont pas pu résister à la crise.
Dès que l’on s’approche d’une échoppe, le commerçant nous appelle et nous invite à voir ses produits, fruit de plusieurs mois de travail et de patience. Les commerçants ne s’empêchent pas de vanter la valeur traditionnelle et authentique de ces produits afin de séduire les clients potentiels qui sont des touristes étrangers mais aussi des citoyens tunisiens à la recherche d’un objet de décoration.
Le moral des artisans est en berne. A noter que les mesures qui ont été prises par l’Etat, pour faire face aux effets néfastes du confinement dû au Covid-19, ont eu un impact négatif sur la vie quotidienne des artisans dont la plupart ne sont pas affiliés au régime légal de sécurité sociale. Plusieurs artisans se sont retrouvés en difficulté vu le manque de clients, mais ils sont tenus quand même de payer les taxes et les charges diverses dont les salaires, l’électricité et l’eau.
En les interrogeant sur leur situation actuelle, certains refusent de répondre à nos questions, ou de nous donner leurs avis, préférant garder l’anonymat comme Am Mostapha, la cinquantaine, qui nous a parlé d’un ton furieux et pessimiste. Il est propriétaire d’un grand commerce à proximité de la mosquée Zitouna. Il nous montre avec fierté ses étagères pleines de diverses marchandises.
Il est un exemple significatif de la vie pénible que mènent ces artisans. Il s’est spécialisé dans la broderie traditionnelle. Dans les différents coins de la boutique, des djebbas en laine tissées à la main sont exposées. Il a hérité ce métier depuis son enfance de sa grand-mère.
Situation difficile
Dès l’âge de 20 ans, cet artisan a commencé son activité. Il a réussi à développer son affaire grâce à de nouvelles créations. Mais après le confinement tout a changé. Il a tout perdu et les revenus sont devenus modiques. La main-d’œuvre est devenue rare après la période de confinement dans le secteur de l’artisanat car les apprentis ne cessent de quitter ce métier qui ne rapporte pas beaucoup. «Tout s’effondre autour de nous, le commerce, le tourisme, l’économie», regrette notre interlocuteur
De son côté, M. Ghazi Abdellaoui, 30 ans, qui a fait une carrière d’artisan dans le souk, se plaint des difficultés liées à la chaîne de distribution. «On ne reçoit pas d’appui des autorités. Celles-ci font la sourde oreille alors que nous avons besoin d’être écoutés. De plus, on est gouverné par les politiciens qui ne se soucient que de leur avenir ou des intérêts de leurs partis. On a passé des moments de galère et de souffrance avec la négligence et l’indifférence des autorités. Ces dernières ont le devoir d’améliorer le secteur, lui donner un coup de main», poursuit-il.
Un peu plus loin, M. Habib, vendeur à souk El Attarine, nous accueille avec le sourire. Il paraît moins pessimiste, mais plus réaliste. Pour lui, l’artisanat est un métier qui exige beaucoup de patience. Et d’expliquer : «J’ai appris ce métier de mon grand-père et je ne peux pas faire autre chose», a affirmé notre interlocuteur. Pourtant, le nombre des touristes a régressé sensiblement. «Certes, le nombre de touristes a diminué, ce qui a eu des répercussions négatives sur les ventes. Avec la crise, la situation est devenue difficile», se lamente cet artisan. «J’envisage d’entamer une autre activité commerciale ou économique en parallèle pour subvenir aux besoins de ma famille», prévoit-il.
Partageant son inquiétude, Lotfi Gharbi, 40 ans, qui travaille à souk Ennhas (Marché du cuivre). D’une voix calme, il parle avec un ton amer de son activité en stagnation. La période de coronavirus a donné un coup de frein au secteur de l’artisanat. Cette période a été fatale pour le secteur. «Je connais des commerçants qui ont fermé leurs échoppes. C’est une triste réalité à laquelle on est confronté», précise-t-il. Il a lancé un appel au chef du gouvernement et au ministre du Tourisme et de l’Artisanat, à incorporer les artisans et leurs familles dans la liste des familles nécessiteuses pour bénéficier d’aides sociales.